Quelle est la meilleure façon d’étudier la résilience face aux traumatismes de l’enfance chez les Inuits? À quoi ressemble la « réussite » ou la guérison face à un traumatisme?
Ce ne sont là que quelques-unes des grandes questions auxquelles Karen Aglukark cherche à répondre dans le cadre de sa maîtrise en neurosciences à l’Université Carleton. Mme Aglukark est lauréate de la toute première bourse de recherche en santé mentale sur la culture et le genre de l’Institut de recherche en santé mentale (IRSM) destinée aux étudiants diplômés.
L’objectif de cette bourse de recherche en santé mentale sur la culture et le genre est de renforcer les capacités et l’engagement des jeunes Autochtones dans la recherche universitaire sur la santé mentale et le mieux-être.
Le projet de Mme Aglukark n’est pas seulement axé sur les effets des traumatismes sur les jeunes Inuits, mais cherche également à déterminer ce qui leur permet de rester forts.
« Je veux trouver des moyens d’aider les Inuits qui ont grandi dans des situations difficiles », explique Mme Aglukark. « Nous entendons parler du taux de suicide élevé chez les Inuits, mais la réalité est que de nombreux Inuits ont incroyablement bien réussi leur vie compte tenu de leurs circonstances. »
Mme Aglukark a grandi à Arviat, au Nunavut, et se destinait à l’origine à une carrière juridique. Après avoir obtenu un baccalauréat en sciences humaines de l’Université Carleton, elle est retournée au Nunavut pour travailler dans le domaine de la recherche et de la politique avant de s’inscrire en droit. Pourtant, au lieu de poursuivre dans la voie qu’elle s’était tracée, elle en a choisi une autre.
« Dans tous les départements du Nunavut, dans toutes les organisations inuites, on demandait un soutien en matière de santé mentale », explique-t-elle. « Tout le monde disait haut et fort que nous n’avions pas de services de santé mentale et que c’était ce dont nous avions besoin. »
Mme Aglukark est finalement retournée à l’université pour se spécialiser en psychologie et s’est passionnée pour le travail visant à mieux comprendre la santé mentale des enfants et des adolescents. « Cela m’a vraiment fait réfléchir à la façon d’adopter ces différentes approches et de soutenir les enfants inuits », ajoute-t-elle.
Pour ce projet de recherche, Mme Aglukark n’étudie pas les traumatismes simplement pour les comprendre. « Nous pouvons parler à quelques personnes qui ont vécu ces choses et je suis sûre que nous aurons une idée très claire », dit-elle. « Mais ce que nous essayons de faire, c’est de découvrir comment les Inuits ont réussi à cultiver leur mieux-être, dans leur communauté ou dans leur famille. »
Dans le cadre de sa recherche, elle mènera des discussions approfondies avec les membres de la communauté inuite d’Ottawa, qui seront facilitées par des partenariats avec des organisations inuites, comme le Centre de guérison Mamisarvik, afin de l’aider à recueillir, évaluer et éventuellement partager ses résultats de recherche.
« Nous devons bien le faire, de la manière qui convient aux Inuits », déclare Mme Aglukark.
Elle pense que cela consistera sans doute à récupérer les compétences et les connaissances traditionnelles. « C’est ce que nous dit la recherche. C’est ce que nous dit l’expérience. Il y a beaucoup d’institutions qui n’acceptent pas naturellement le savoir inuit comme des faits. C’est pourquoi je suis très reconnaissante à Kim [Matheson] pour son soutien, à l’université et à l’IRSM. Car il s’agit vraiment d’expertise. Nous acquérons ici des connaissances spécialisées. »
« Il s’agit de développer les forces des Inuits et de leur donner les moyens d’agir de l’intérieur », explique Mme Aglukark.
La Dre Kim Matheson est co-titulaire de la Chaire de recherche en santé mentale sur la culture et le genre à l’IRSM et au Département de neurosciences de l’Université Carleton.
Elle supervise les recherches de Mme Aglukark, et elle est ravie que cette bourse donne l’occasion de « créer un vivier » de jeunes gens activement engagés dans la promotion de la santé mentale chez les peuples autochtones, mais d’une manière qui soit pertinente sur le plan culturel.
« Il y a une définition occidentale de ce qui constitue la santé mentale ou le mieux-être. Est-ce vraiment la même chose pour la communauté inuite? Qu’est-ce que le mieux-être? S’agit-il de prévenir le suicide ou d’avoir des liens familiaux forts, par exemple, qui auront des effets en aval sur la prévention du suicide? », s’interroge la Dre Matheson.
Elle remarque d’ailleurs que lorsqu’une crise survient dans les communautés nordiques, la réponse habituelle consiste à envoyer des conseillers en santé mentale de l’extérieur de la communauté, pour qu’ils repartent une fois la crise jugée terminée.
Mme Aglukark espère que les résultats de ses recherches ramèneront ce qu’elle appelle le « pouvoir du mieux-être » dans les communautés inuites et qu’un jour, les praticiens du mieux-être n’auront plus à quitter le Nunavut pour apprendre à aider leur propre peuple.
« Il s’agit de développer les forces des Inuits et de leur donner les moyens d’agir de l’intérieur », explique Mme Aglukark.
Selon la Dre Matheson, ce projet de recherche constitue une étape fondamentale pour permettre aux personnes comme Mme Aglukark de faire une différence tangible.
« Je suis très fière de Karen. Elle est phénoménale, et je suis très heureuse qu’elle soit la première lauréate de cette bourse... Son travail correspond exactement aux types de recherches que j’espérais que cette bourse soutiendrait. »