Une équipe de recherche s’efforce d’introduire un traitement « miraculeux » au Canada pour le trouble de stress post-traumatique

Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) a privé Cory Taylor, CD, de sa tranquillité d’esprit pendant de nombreuses années, mais un simple traitement reçu dans le cadre d’une étude de recherche lui a permis de retrouver sa qualité de vie.

M. Taylor, un ancien membre des Forces armées canadiennes, fait maintenant partie d’une équipe du Royal, de l’Hôpital d’Ottawa et de l’Université d’Ottawa qui étudie un traitement par bloc du ganglion stellaire (ganglion cervico-thoracique) pour soulager les symptômes du TSPT. Ce traitement est disponible dans les établissements de soins pour anciens combattants aux États-Unis comme traitement d’appoint du TSPT, mais l’équipe d’Ottawa souhaite étendre son utilisation au Canada, où il est actuellement approuvé pour la gestion de la douleur et d’autres syndromes à médiation sympathique, mais pas pour le TSPT.

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Cory Taylor
Cory Taylor, a former member of the Canadian Forces

Ce traitement est suffisamment simple pour être administré dans presque n’importe quelle clinique spécialisée dans le traitement de la douleur et peut soulager certains symptômes du TSPT en quelques minutes seulement. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un remède, les effets peuvent durer des années si l’on procède à des injections supplémentaires.

Le TSPT est un trouble de santé mentale déclenché par un événement traumatisant, tel que l’exposition à un stress extrême, une blessure ou un traumatisme sexuel. Il est associé à un large éventail de symptômes tels que l’insomnie, les cauchemars, les crises de panique, les difficultés respiratoires, les retours en arrière (« flashbacks »), les sentiments intenses d’horreur, de peur, ou de colère et la perte d’intérêt pour des activités autrefois appréciées. La dépression est aussi un symptôme courant du TSPT, ce qui peut rendre le traitement plus difficile.

Selon les données d’un sondage réalisé en 2021 et publié par Statistique Canada, 5 % des Canadiens ont déclaré avoir reçu un diagnostic de TSPT et 8 % répondaient aux critères d’un TSPT probable en fonction des symptômes ressentis au cours du mois précédent.

Le taux de TSPT chez les militaires est encore plus élevé que dans la population générale.

M. Taylor a rejoint la réserve d’infanterie en 2003 et a été transféré à la police militaire des Forces armées canadiennes en 2006. Il a servi en Afghanistan et a travaillé pour le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC), l’organe d’enquête de la police militaire. Au cours de son affectation, il a subi plusieurs incidents de convoi, y compris une embuscade. Ses symptômes de stress post-traumatique étaient si graves qu’il a pris une retraite anticipée pour des raisons médicales.

Il a entendu parler du traitement par bloc du ganglion stellaire en écoutant une entrevue avec un membre du corps d'élite de la marine américaine. Cela l’a incité à faire des recherches, qu’il a présentées en 2020 à la Dre Rebecca Gomez, psychiatre à la clinique pour traumatismes de stress opérationnel (TSO) du Royal.

Moins de deux semaines plus tard, son téléphone sonnait. Il s’agissait de la Dre Gomez, qui l’appelait pour lui proposer un rendez-vous avec le Dr Dan James, directeur de la clinique de la douleur de l’Hôpital d’Ottawa, qui avait accepté d’administrer le traitement par bloc du ganglion stellaire à M. Taylor dans le cadre d’une étude de recherche.

« Je ne m’attendais pas à ce que cela se produise aussi rapidement, mais toutes les planètes se sont alignées », raconte M. Taylor. « Le Dr James avait déjà entendu parler de son utilisation (pour le TSPT) et il connaissait bien le traitement. C’était très rapide : “Bing bang boom, nous avons une place pour vous. Venez.” Et j’ai répondu tout aussi vite : “D’accord, super!” ».

Le traitement par bloc du ganglion stellaire est une procédure simple et peu coûteuse. Une aiguille très fine, guidée par un ultrason, est utilisée pour injecter une anesthésie locale (semblable à celle qu’utiliserait un dentiste) dans un faisceau de nerfs en forme d’étoile situé à la base du cou et lié à notre réaction « de lutte, de fuite ou d’immobilisation ».

Pour M. Taylor, la réaction au traitement par bloc du ganglion stellaire a été immédiate.

« C’était comme si le volume du monde avait baissé », explique M. Taylor, qui est marié et père de deux jeunes adolescents. « C’était indescriptible, j’étais à un niveau d’anxiété de neuf et, tout d’un coup, le monde ne cherchait plus à me faire du mal. C’était incroyable. »

Les changements se sont poursuivis dans les semaines et les mois qui ont suivi. Il y a eu de grands progrès, comme le fait de pouvoir conduire à nouveau (la conduite de nuit et par mauvais temps était particulièrement traumatisante), mais aussi de petits progrès.

« C’était tout simplement miraculeux. Cette toute petite procédure qui n’est absolument pas effractive a eu un effet si spectaculaire et incroyable »« Mon épouse m’a fait remarquer qu’elle pouvait voir que la partie de moi qui avait disparu, qui avait été changée, était de retour », se souvient M. Taylor.

À ce jour, M. Taylor a reçu trois séries de traitement par bloc du ganglion stellaire, toutes à plus d’un an d’intervalle.

Les chercheurs ne savent pas exactement pourquoi le traitement par bloc du ganglion stellaire soulage les symptômes du TSPT de manière aussi efficace. L’anesthésie locale dure cinq ou six heures au maximum, mais son effet modérateur sur les symptômes du TSPT persiste bien plus longtemps.

Les blocs nerveux à des fins médicales ne sont pas vraiment nouveaux. L’un des exemples les plus connus est la péridurale. Utilisée pendant l’accouchement, l’anesthésie péridurale engourdit temporairement les nerfs rachidiens et bloque les signaux de douleur afin de soulager la douleur du travail et de l’accouchement.

La Dre Gomez suppose que le traitement par bloc du ganglion stellaire agit comme un bouton de réinitialisation en bloquant temporairement les nerfs qui partent du ganglion stellaire vers les parties du cerveau les plus actives en cas de TSPT, réduisant ainsi la libération d’hormones de stress, telles que la norépinéphrine ou l’adrénaline. 

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Membres de l'équipe de recherche du BGS au Royal : Jakov Shlik, Krysta Boutin-Miller, Clifford Cassidy, Rebecca Gomez, Cory Taylor et son chien d'assistance Cueinn.
Membres de l'équipe de recherche du BGS au Royal : Jakov Shlik, Krysta Boutin-Miller, Clifford Cassidy, Rebecca Gomez, Cory Taylor et son chien d'assistance Cueinn.

En novembre 2022, la Dre Gomez et ses collègues, le Dr Jakov Shlik et la Dre Celia Geck de la clinique pour TSO, le Dr Clifford Cassidy de l’Institut de recherche en santé mentale (IRSM) de l’Université d’Ottawa (le Royal) et Cory Taylor, ont remporté un prix pour leur étude de cas sur le traitement par bloc du ganglion stellaire. Ils ont présenté leurs conclusions lors du forum de l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans à Halifax.

L’étude de cas a montré une diminution significative des symptômes de TSPT chez les participants volontaires, tels que les troubles du sommeil, les pensées intrusives, les réactions de sursaut et les retours en arrière. Les scores de dépression sont passés de sévères à modérés, ce qui représente une diminution globale significative des symptômes chez certains participants.

« Nous n’avions pas nécessairement imaginé qu’il y aurait une diminution significative des symptômes de dépression », explique la Dre Gomez. « Pourtant, c’est logique, car chez beaucoup de nos patients, la dépression dépend de l’état de stress post-traumatique. Ils sont déprimés parce que le TSPT est si débilitant. »

Les nouveaux traitements pour les maladies mentales ne sont pas fréquents, et les traitements existants ne sont pas toujours efficaces. Par exemple, seuls 40 à 60 % des personnes atteintes d’un TSPT réagissent aux médicaments. C’est l’une des raisons qui ont incité la Dre Gomez à poursuivre cet axe de recherche.

Elle espère que le traitement par bloc du ganglion stellaire sera approuvé en tant que traitement d’appoint efficace pour le TSPT, c’est-à-dire un traitement administré en plus des interventions thérapeutiques primaires afin d’en maximiser l’efficacité. Par exemple, pour M. Taylor, ce traitement a ouvert un peu plus grand la porte à la thérapie en lui permettant de sortir plus facilement du lit et de faire face à la circulation et à la foule dans les rues. Il a également réduit son besoin de prendre des médicaments sur ordonnance.

« C’était tout simplement miraculeux. Cette toute petite procédure qui n’est absolument pas effractive a eu un effet si spectaculaire et incroyable », dit-il. « C’est une sensation incroyable, un sentiment de paix. »

La Dre Gomez dit qu’elle a la chair de poule lorsqu’elle entend ce genre de commentaires, d’autant plus que la cible potentielle de ce traitement est large, et pourrait comprendre, entre autres, des réfugiés et des personnes ayant survécu à des violences et des agressions.

L’étude de cas initiale comprenait dix participants et une prochaine étude contrôlée à répartition aléatoire menée avec l’Hôpital d’Ottawa permettra d’administrer cette injection « miracle » à 54 anciens membres de l’armée et de la GRC atteints d’un TSPT. En attendant, l’objectif de l’équipe est de permettre au plus grand nombre de personnes possible d’accéder à ce traitement par l’entremise d’études de recherche. Bien que l’équipe ne recrute actuellement que des anciens combattants et membres de la GRC, elle espère que les études concerneront bientôt les membres actifs de l’armée et les premiers intervenants.

« Ce qui m’enthousiasme dans cette recherche, c’est la réaction que j’ai observée chez les patients que je traite », déclare la Dre Gomez. « Le TSPT est une maladie tellement difficile à traiter, surtout lorsqu’elle est associée à la dépression et à la consommation de substances. Je suis inspirée de voir cette amélioration, et cela me donne de l’espoir, ce qui n’était pas le cas avec d’autres traitements. »