Pour la plupart d'entre nous, l’hygiène dentaire est une évidence. Nous nous brossons les dents tous les jours en sachant que ce simple geste contribue grandement à prévenir de graves problèmes à l’avenir, comme la maldie des gencives et les caries. Même si nous n’y pensons pas vraiment lorsque nous nous tenons devant le lavabo de la salle de bains, brosse à dents en main, nous avons inconsciemment adopté des consignes universellement acceptées de santé dentaire. Ce sont de petits gestes quotidiens qui contribuent à notre bien-être.
Et si nous appliquions le même modèle à la santé mentale?
« Il est important de ne pas simplement attendre l’arrivée des mauvais jours », explique Guillaume Tremblay, infirmier praticien au Centre de santé mentale de Brockville. « Nous devons changer notre point de vue sur la façon de prendre en charge notre santé mentale. »
Avec le soutien de ses collègues Nicole Rodrigues et le Dr Sanjiv Gulati, M. Tremblay plaide en faveur d’un cadre d’hygiène mentale dans un article récemment publié : Mental Hygiene: What It Is, Implications, and Future Directions (« L’hygiène mentale : définition, portée et futures orientations). Cet article offre un aperçu des pratiques fondées sur la recherche que chacun peut mettre en œuvre au quotidien afin de favoriser son propre bien-être mental.
Le terme « hygiène mentale » désigne les activités quotidiennes qui favorisent et maintiennent la santé mentale. Puisque nous avons déjà adopté de nombreuses pratiques pour maintenir notre santé physique, se brosser les dents et faire de l’activité physique tous les jours par exemple, il est logique d’appliquer aussi ce concept à notre santé mentale.
M. Tremblay écrit que les pratiques d’hygiène mentale peuvent aider à prévenir notre tendance naturelle à nous engager dans « la rumination, les pensées excessivement centrées sur soi et un niveau sous-optimal de sentiments positifs ».
« Les ruminations et les vagabondages successifs de l’esprit sont un problème que nous avons tous », ajoute M. Tremblay. Lorsqu’ils deviennent excessifs, ils sont corrélés à une activité accrue dans une zone de notre cerveau appelée le « réseau du mode par défaut ». Lorsque notre esprit rumine ou vagabonde de manière excessive sans que nous en ayons conscience, nous augmentons en fait notre susceptibilité aux maladies mentales et, comme l’écrit M. Tremblay, « cela empêche l’épanouissement de l’être humain ».
« Ce hamster qui tourne en rond dans notre tête est vraiment problématique », dit-il. Bien que notre esprit vagabonde toujours, et que ces vagabondages puissent même être créatifs et bénéfiques, les études démontrent que nous nous sentons mieux lorsqu’ils diminuent.
La première étape pour pratiquer une bonne hygiène mentale est de savoir quelles activités peuvent réduire nos pensées ruminantes et nous rendre plus conscients de nos propres processus de pensée.
Il est de plus en plus évident que la méditation, les techniques de pleine conscience et la prière sont des moyens efficaces de réduire la tendance à ruminer. Si la prière ou la méditation ne vous conviennent pas, vous pourriez écrire ce qui vous tracasse chaque soir avant de vous coucher, ou même noter trois choses pour lesquelles vous êtes reconnaissant chaque matin. L’exposition à la nature peut également avoir un effet positif sur le bien-être mental.
Les auteurs de l’article proposent de pratiquer une routine d’hygiène mentale de dix minutes chaque jour, même s’ils précisent que d’autres discussions sont nécessaires pour affiner leurs recommandations et s’assurer qu’elles sont claires, faciles à comprendre, sûres et fondées sur des données probantes.
Toutefois, M. Tremblay nous avertit que les pratiques d’hygiène mentale ont une portée limitée et qu’elles ne remplacent pas d’autres interventions essentielles, comme les médicaments d’ordonnance. La méditation n’est pas un remède contre la dépression grave, pas plus qu’une promenade dans les bois.
« Si vous avez des douleurs à la poitrine, vous ne faites de l’exercice pour y remédier, vous consultez un médecin », ajoute-t-il. « Et si quelqu’un est déprimé ou a des idées suicidaires, il ne suffit pas qu’il télécharge une application de pleine conscience, ça ne marchera pas. »
Le concept d’hygiène mentale a été introduit au début du 20ème siècle dans le but de prévenir et de traiter les maladies mentales et les troubles mentaux plus légers, mais le mouvement a perdu son élan. M. Tremblay et ses collègues pensent qu’il est temps de le faire renaître. Il aimerait que la méditation devienne une pratique habituelle, si banale qu’elle ne mériterait même pas qu’on en discute, tout comme personne ne discute du fait qu'il s’est brossé les dents ou a pris une douche ce jour-là.
La maladie mentale est très répandue. Au Canada, une personne sur cinq présentera une maladie mentale au cours de sa vie. Selon la Commission de la santé mentale du Canada, les maladies mentales sont le groupe de troubles le plus invalidant pour les jeunes du monde entier et représentent l’un des coûts les plus importants pour le Canada en termes de soins de santé, de perte de productivité et de réduction de la qualité de vie liée à la santé. Par surcroît, elle nous coûterait environ 50 $ milliards par an. Sans compter qu’il y a aussi la pandémie et ses répercussions sur notre santé mentale collective. Il est donc plus important que jamais d’avoir une bonne santé mentale.
L’objectif de M. Tremblay est que des organisations influentes telles que l’Organisation mondiale de la Santé établissent des normes claires, universelles et accessibles pour les pratiques quotidiennes d’hygiène mentale. Cela permettrait d’établir des pratiques exemplaires pour les fournisseurs de soins de santé, les unités de santé publique et même les programmes scolaires.
Selon M. Tremblay, bien que les « astuces » pour aller mieux lorsque nous sommes déprimés et les techniques conçues pour gérer les émotions négatives soient des outils utiles, il n’y a aucune raison d’attendre de se sentir déprimé pour faire quelque chose de bénéfique pour sa santé mentale.