« Je ne suis pas là pour vous donner des conseils. » C’est l’une des premières choses que Steve Walsh dit à ses clients.
M. Walsh est un infirmier de l’équipe de psychiatrie communautaire et il s’adresse généralement à des personnes sans-abri ou ayant un logement précaire qui ont de graves problèmes de santé mentale, de sorte que sa déclaration les surprend souvent.
Il explique ensuite à son client : « Regardez, vous êtes là. Vous avez réussi à surmonter tout ce dont nous allons parler, donc vous avez évidemment beaucoup de points forts. Je suis là pour vous écouter très attentivement, poser quelques questions et essayer de comprendre ce dont vous pensez avoir besoin. Ensuite, je vais vous aider à combler ces besoins. »
Les membres de l’équipe de psychiatrie communautaire du Royal travaillent dans des dizaines d’organismes de toute la ville chaque semaine. Ils collaborent avec des refuges, des centres d’accueil, des centres de santé communautaires, des centres de ressources familiales, des fournisseurs de services autochtones et des logements sociaux. L’équipe comprend dix personnes, principalement du personnel infirmier et des travailleurs sociaux, qui répondent aux besoins en santé mentale des personnes sans-abri ou ayant un logement précaire.
M. Walsh fait partie de l’équipe depuis 25 ans, et la clé de son succès réside dans sa flexibilité. Les membres de l’équipe doivent être créatifs, indique M. Walsh, et il peut être utile d’avoir des compétences de vente.
« Quand je cherche des gens, je m’arrête parfois là où je sais qu’ils se rassemblent. Je garde l’œil ouvert quand je suis dans un centre d'accueil. »
« Les gens n’aiment pas avoir l'impression d’être évalués, et beaucoup ne sont pas conscient qu’ils ont des problèmes de santé mentale », explique-t-il. « Ils viennent pour être écoutés, et je suis là pour entendre ce qu’ils ont essayé, ce qui se passe dans leur vie et ce dont ils pensent avoir besoin. S’ils veulent prendre des mesures pour se rétablir, ils doivent consentir aux options que nous proposons. »
L’équipe rencontre la personne et peut l’orienter vers des services, puisqu’elle a accès à des psychiatres du Royal pouvant clarifier le diagnostic, à des médicaments et à d’autres options de traitement. Elle peut aussi fournir des services de counseling et diriger les clients vers d’autres services de santé. L’un des principaux objectifs est de mettre la personne en contact avec les systèmes de soins de santé et de soutien social.
Toutefois, le premier défi est souvent de commencer par trouver la personne qui a besoin de services. Bon nombre des clients desservis par l’équipe sont de passage, entrent et sortent des refuges, des hôpitaux et d’autres services, et ils sont difficiles à joindre par téléphone. Lorsqu’on ajoute à cela des problèmes de santé mentale, y compris les problèmes de toxicomanie, le défi qui en résulte est pour le moins intimidant. C’est pourquoi M. Walsh estime qu’il est si important de faire preuve de créativité et de souplesse.
« Quand je cherche des gens, je m’arrête parfois là où je sais qu’ils se rassemblent. Je garde l’œil ouvert quand je suis dans un centre d'accueil », indique-t-il.
Au service de nos organismes partenaires
L’équipe de psychiatrie communautaire du Royal dessert deux groupes de clients. Dans un premier temps, elle s’occupe de personnes sans-abri ou ayant un logement précaire qui sont atteints de maladie mentale. Deuxièmement, et c’est tout aussi important, elle collabore avec des organismes communautaires qui font un travail extraordinaire, mais qui ne possèdent pas toujours une expertise en santé mentale.
Par exemple, de nombreux organismes aident les gens à accéder aux services – notamment les services de logement. En général, les gestionnaires de cas en logement ne reçoivent pas de formation spécialisée en santé mentale, pourtant ils travaillent avec des personnes ayant certains des plus grands besoins de soutien en santé mentale. Ils aiguillent les clients vers l’équipe de psychiatrie communautaire, qui leur apportera un soutien, mais ils aident aussi les organismes en leur donnant de l’enseignement et en les mettant en contact avec des ressources qui les aideront à soutenir leurs clients à l’avenir.
Personnes ayant un logement précaire et sans-abri
Le mandat de l’équipe de psychiatrie communautaire consiste notamment à aider les personnes ayant un logement précaire, un terme défini au sens large qui peut comprendre les personnes présentant un risque important de devenir sans-abri, les personnes vivant dans un logement qui ne possède pas d’installations de base, ainsi que celles vivant dans des maisons de chambres ou dans des logements subventionnés.
« Il s’agit de personnes qui ont peut-être un toit au-dessus de leur tête, mais dont les besoins essentiels ne sont toujours pas satisfaits, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas accès aux déterminants sociaux de la santé fondamentaux », explique M. Walsh. Il donne l’exemple du Centre familial Caldwell, un endroit qu’il décrit comme une oasis, un organisme partenaire de l’équipe qui est au service des personnes ayant un logement précaire.
Le Centre familial Caldwell a ouvert ses portes en 1986 et continue d’offrir un soutien local dans l’une des collectivités les plus pauvres d’Ottawa, où 32 pour cent des familles ont un faible revenu, soit trois fois la moyenne de la ville.
Le Centre offre des services tels que des repas, une banque alimentaire, des vêtements et des articles ménagers abordables, des programmes éducatifs et l’accès à des ordinateurs pour les personnes vivant dans la région. Près de 150 personnes prennent deux repas par jour au Centre et ont également recours à la banque alimentaire, ce qui signifie qu’environ 70 pour cent de leur alimentation provient du Centre.
En quittant le Centre familial Caldwell, M. Walsh rencontre un ancien client – une personne qui était aux prises avec une grave dépression et des problèmes de toxicomanie. Cet homme vit maintenant dans un logement de la communauté de Caldwell.
« Bonjour, mon ami! », dit l’homme à M. Walsh.
« Tu as l’air en forme! Tu as l’air fort! », lui répond-il en se rappelant de son nom.
« Vous avez fait du bon boulot! », dit l’homme.
« Non, tu as fait du bon boulot », insiste M. Walsh.
M. Walsh commence ses évaluations en disant qu’il n’est pas là pour donner des conseils, et il les termine souvent par une parole de reconnaissance.
« Souvent, à la fin des conversations, je dis : "Merci de partager cette information avec moi, parce que je ne sais pas si à votre place, j’aurais pu en faire autant" », explique-t-il. « Je ne veux pas donner l’impression que tout est rose, mais ce travail est tellement gratifiant. Parfois, l’aide dont ces gens ont besoin pour changer leur vie est si minime, et je considère que c’est un privilège qu’ils me permettent de travailler avec eux. »
La recherche : une composante clé du travail de l’équipe de psychiatrie communautaire
Au cours de la dernière décennie, l’importance des déterminants sociaux de la santé dans les discussions sur les soins de santé a augmenté de façon exponentielle. La recherche et la défense des intérêts alimentent ces conversations, et l’équipe de psychiatrie communautaire du Royal a joué un rôle significatif en contribuant à la recherche sur l’itinérance et la santé mentale au Canada.
« Il y a vingt ans, on n’entendait pratiquement jamais un médecin poser des questions à un patient pour savoir s’il était bien logé, s’il avait suffisamment à manger. Aujourd’hui, ces conversations, en plus de celles sur la santé mentale, commencent à avoir lieu dans le cadre des soins primaires. Mais cela ne peut pas se faire sans recherche et sans défense des intérêts », affirme Susan Farrell, directrice clinique du Programme de santé mentale communautaire du Royal, dont fait partie l’équipe de psychiatrie communautaire.
En plus de mettre l’accent sur l’importance des déterminants sociaux de la santé, la recherche aide à améliorer les services de l’équipe de psychiatrie communautaire sur le terrain. Elle fournit des données qui permettent de comprendre ce qui se passe différemment d’un endroit à l’autre du pays et certaines des raisons expliquant ces différences. Elle nous aide à comprendre à quoi peut ressembler l’itinérance tout au long de la vie des gens, et comment mieux les aider. Elle fournit des renseignements sur la situation au Canada, ce qui est important parce que les services sociaux canadiens sont très différents de ceux offerts au sud de la frontière.
L’équipe de psychiatrie communautaire a publié son premier article en 2005, après avoir passé en revue la documentation disponible sur les services de psychiatrie communautaire et pris conscience que son propre modèle était très différent des autres.
Peu après la publication de cet article, Mme Farrell a intégré REACH3 (Research Alliance for Canadian Homelessness, Housing, and Health), un groupe de recherche national sur l’itinérance dans le contexte canadien. Dans le cadre de ce groupe et d’autres, Mme Farrell et l’équipe de psychiatrie communautaire ont contribué à des dizaines de publications.
« Les Canadiens qui ont un logement se rendent principalement à l’hôpital à la suite d’une blessure, ou pour accoucher. Les sans-abri se retrouvent à l’hôpital en raison de problèmes de santé mentale », explique Mme Farrell.
« Nous savons que la santé et le logement sont étroitement liés, et maintenant nous avons beaucoup de données pour le démontrer. »