Plus tôt cette année, la Dre Nicola Wright, une psychologue du Programme de traitement et rétablissement de la schizophrénie, a demandé aux membres du groupe de soutien du Royal pour les hallucinations auditives s’ils avaient envie de faire un petit voyage pour participer au Congrès mondial pour les personnes qui entendent des voix (World Hearing Voices Congress), à Montréal, à titre de conférenciers et de participants actifs dans le cadre de leur propre atelier.
Ce groupe de soutien permet aux personnes qui entendent des voix de se réunir, de partager leurs expériences et de s’entraider.
Des semaines de rédaction de propositions, de courriels, de réunions, d’essais et un voyage en train ont enfin abouti à ce que la Dre Wright appelle « un mouvement de rétablissement en action ».
Au total, 17 personnes du Royal ont assisté au congrès, qui a eu lieu en novembre. Onze ont donné des présentations, l’une a apporté une couverture qu’elle a crochetée en y ajoutant un message d’espoir, et les autres ont appuyé leurs pairs et échangé avec d’autres membres de la communauté des « entendeurs de voix ».
Selon Intervoice, un organisme à but non lucratif qui milite en faveur des personnes qui entendent des voix, 2 à 4 % de la population présentent ce symptôme. Selon certaines recherches, ce chiffre pourrait atteindre jusqu’à 8 %.
« Les hallucinations auditives sont souvent présentes chez les personnes qui ont été intimidées et qui ont subi des traumatismes du développement ou d’autres formes de traumatismes. L’antidote à ces voix – en plus de suivre une thérapie – est de sortir et de vivre sa vie d’une manière significative, d’avoir le sentiment de contribuer à la société. Et ce congrès en est un bon exemple », explique la Dre Wright, qui travaille au Royal depuis 1999.
Chaque membre du groupe disposait de cinq à huit minutes pour prendre la parole au cours d’une séance intitulée Inspiring Transformation: A Workshop on Innovative Collaborative Recovery-Oriented Approaches to Voice Hearing (« Inspirer la transformation : Atelier sur les approches novatrices axées sur le rétablissement et la collaboration pour les personnes qui entendent des voix »).
« Nous tirons tous beaucoup de choses des histoires et des expériences des autres, et c’est ce que nous voulions que les gens comprennent au congrès de Montréal – à quel point c’est vraiment utile. »
La Dre Wright utilise des mots comme beauté, santé, guérison et accompagnement pour décrire ce que lui ont inspiré les présentations individuelles.
Shazad a parlé de la spiritualité comme d’une manière de « vivre notre vie selon nos valeurs... et sans perdre espoir ». Jackie a parlé du fait que nous étions tous si différents, mais que nous avions tant en commun, et a rappelé au public que « chaque jour est un défi, mais il y a toujours de la beauté ». Andrew, qui est maintenant assistant de recherche bénévole au Royal, a parlé de son expérience de vie et du défi d’occuper un emploi. Kirsten a parlé de son grand-père, qui était diplomate, et de son arrière-grand-mère, qui était infirmière, deux personnes qui entendaient aussi des voix mais qui ont mené une vie épanouissante.
Le Dr Tom Fogl faisait également partie du groupe du Royal qui a assisté au congrès de Montréal.
« C’est fantastique de voir que le fait d’entendre les gens qui partagent leurs histoires avec d’autres a un effet de guérison sur tout le monde », souligne le Dr Fogl, qui est psychiatre au Programme de traitement et rétablissement de la schizophrénie du Royal depuis 2005. « Nous tirons tous beaucoup de leçons des histoires et des expériences des autres, et je pense que c’est ce que nous voulions que les gens comprennent au congrès de Montréal – qu’ils se rendent compte à quel point cela peut aider. »
Ce congrès offrait non seulement un lieu où les participants pouvaient partager leurs expériences en toute confiance, mais il a aussi donné l’occasion aux participants du Royal d’assister à quelques-unes des autres conférences.
« J’ai vraiment appris beaucoup en écoutant les conférenciers, que ce soit des patients ou des experts. C’est réellement bénéfique d’entendre tout le monde, parce qu’on apprend beaucoup de choses qui peuvent nous aider à aller mieux », a confié Shazad. « On se croit seul et isolé... On ne se rend pas compte que c’est une condition commune, humaine. Donc je me sens beaucoup mieux de savoir que ce n’est pas juste moi, que tout le monde a les mêmes types d’émotions, de sentiments et de pensées. »
Le mouvement international des personnes qui entendent des voix est axé sur l’éducation et à la déstigmatisation, mais il cherche aussi à donner de l’espoir.
Quant à Andrew, le congrès a permis de lui rappeler qu’il existe une « communauté internationale d’universitaires, de médecins et de travailleurs sociaux qui aident les gens comme [lui] ».
« Ils comprennent ce que nous vivons », ajoute-t-il. « Ils essaient de nous aider à survivre et à améliorer notre qualité de vie. Le fait qu’il y ait même un congrès international comme celle-ci me donne de l’espoir et m’aide à gérer ce problème. Ce n’est plus seulement une lutte privée, c’est un phénomène mondial et beaucoup de gens y prêtent attention. »
Bien entendu, la participation à un congrès de ce type entraîne des coûts et des frais de transport, et la Dre Wright a exprimé sa reconnaissance à la Fondation du Royal.
Les membres du groupe multidisciplinaire de la Dre Wright, qui comprend des experts de l’expérience vécue, des professionnels de la santé, des chercheurs, des bénévoles et des étudiants, sont enthousiastes à l’idée de partager leurs expériences et leurs histoires. Ils vont donc soumettre des résumés d’exposés et des propositions pour assister à de futures conférences.
Le principe qui sous-tend ces efforts va toutefois bien au-delà de la simple présentation d’exposés. Au sein de la communauté médicale, on comprend de plus en plus qu’il faut s’engager davantage auprès des personnes qui ont l’expérience vécue de la maladie, et que c’est même la clé pour mener des recherches, dispenser des soins et transformer le système de manière significative.
« Il ne s’agit pas seulement de concevoir ensemble des recherches, il s’agit aussi de réfléchir ensemble aux questions de recherche, à l’approche thérapeutique, à la façon de mettre en œuvre les traitements, de les évaluer, d’en parler et de partager ces connaissances », précise la Dre Wright.
« Cela change toute la trajectoire, parce qu’il n’est plus question d’être "juste un patient" ou "juste une personne atteinte de schizophrénie" », ajoute-t-elle. « C’est une approche holistique qui envisage l’individu dans sa globalité et permet de voir les gens tels qu’ils sont – avec leurs forces, leurs qualités, leurs contributions et leurs valeurs. Toute leur beauté. »