M. Ukagwu est infirmier autorisé au Centre de santé mentale de Brockville. Il est également l’un des lauréats du « Prix des infirmiers novateurs » (Nurse Innovator’s Award) de cette année décerné par la Fondation des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario. Sa proposition était l’un des quatre projets gagnants annoncés à l’occasion d’une réception qui a eu lieu virtuellement le 17 novembre 2021.
M. Ukagwu a reçu 35 000 $ pour développer mhapy, une application de santé mentale de nouvelle génération conçue pour surveiller la santé mentale de l’utilisateur et avertir les partenaires de soins en cas de déclin.
L’idée de mhapy (qui signifie Mental Health Accountability Project, c’est-à-dire « projet de responsabilisation en santé mentale ») est venue à M. Ukagwu au cours de ses tournées de soins infirmiers, lorsqu’il s’est rendu compte qu’il avait les mêmes conversations avec différents clients. (Par exemple, lors des rendez-vous d’admission, les mêmes questions sont posées à tous les nouveaux clients.)
« Cela a fait germer dans mon esprit l’idée qu’un chatbot pourrait avoir ce type de conversation, puisqu’il s’agit en fait de la même chose, encore et encore », explique M. Ukagwu.
Un chatbot ou robot conversationnel est un logiciel qui simule une conversation humaine en ligne en format texte. On l’utilise généralement pour répondre à des questions simples, par exemple dans le cadre d’un service à la clientèle. Dans le domaine de la santé, les chatbots sont utilisés pour enregistrer les renseignements sur les patients, assurer le suivi des symptômes, tenir les dossiers à jour et évaluer la satisfaction des patients. Dans le domaine de la santé mentale, les chatbots ont été conçus pour offrir un soutien et des techniques d’adaptation mais, jusqu’à récemment, leur portée était limitée en raison de leur incapacité à s’écarter des conversations scénarisées.
Le projet de M. Ukagwu propose un chatbot de nouvelle génération qui intègre l’intelligence artificielle et permet à l’utilisateur de diriger la conversation comme il le souhaite. Cela peut être réalisé grâce au Generative Pre-trained Transformer 3 (GPT-3) un « modèle de langage autorégressif qui utilise l’apprentissage profond pour produire un texte de type humain ». Selon certains experts, la qualité du texte généré par le GPT-3 est si élevée qu’il peut être difficile de distinguer s’il est écrit par un humain ou non.
Pour l’utilisateur final, le GPT-3 permet de générer des conversations de meilleure qualité, plus naturelles, et même des blagues. Les chatbots qui utilisent cette technologie peuvent apprendre et comprendre. Cette compréhension – des milliards de réponses possibles à des milliards d’énoncés – constitue la base d’une « vraie » conversation.
La vision de M. Ukagwu pour mhapy est que ses utilisateurs soient en mesure de mener une conversation sur presque n’importe quel sujet avec Ruby, le chatbot de mhapy. C’est à travers ces conversations que l’intelligence artificielle permet de surveiller et d’évaluer la santé mentale d’un utilisateur. Pour ce faire, elle établit une base de référence pour l’utilisateur et vérifie tout écart significatif par rapport à cette base. Dans ce cas, l’application peut avertir l’équipe de soins de santé ou le groupe de soutien choisi et identifié à l’avance par l’utilisateur (M. Ukagwu les appelle des « partenaires de responsabilisation »).
Il est bien sûr difficile de surveiller la santé mentale d’une personne sans s’appuyer sur des conversations. Donc, si un utilisateur ne se manifeste pas, Ruby lancera la conversation en l’engageant au moyen de questions directes (« Comment vous sentez-vous aujourd’hui? » ou « Avez-vous bien dormi la nuit dernière? ») pour favoriser le dialogue.
M. Ukagwu souligne que ce type de conversation occasionnelle, même avec une intelligence artificielle, peut aider les gens à se sentir moins seuls et isolés. Cela permet également de combler un vide entre les rendez-vous et de s’assurer que des mesures sont prises plus tôt si nécessaire.
« La santé mentale est dynamique, elle change d’un jour à l’autre. Il y a des vagues, des ondulations, et parfois il n’y a tout simplement personne à qui parler », dit-il.
M. Ukagwu voudrait que mhapy soit une application gratuite que tout le monde pourra télécharger et utiliser, mais il souhaiterait aussi à terme qu’elle soit prescrite par les médecins et les professionnels de la santé mentale pour favoriser le mieux-être de leurs patients et leur permettre d’obtenir plus facilement de l’aide lorsqu’ils en ont besoin.
L’application est actuellement au stade du prototype. M. Ukagwu est en train de recruter un ingénieur en apprentissage machine pour concevoir le système d’intelligence artificielle de l’application, ainsi que des infirmiers en santé mentale pour contribuer à la formation du chatbot. Son objectif est de disposer d’une application entièrement fonctionnelle d’ici avril 2022, et il s’associera à ses collègues de l’unité de traitement en psychiatrie légale de Brockville pour tester et valider mhapy. Cliquez ici pour en savoir plus sur mhapy.