Un groupe de guitare met l’accent sur l’harmonie et la guérison

Un nouveau groupe de guitare thérapeutique du Programme de psychiatrie légale intégrée, qui a commencé comme un modeste projet pilote, est devenu de façon inattendue un programme d’écriture de chansons qui apporte joie, amitié et harmonie à ses participants et à ses bénévoles.

Le groupe est né du désir d’Ashleigh McGuinty, récréothérapeute, de mettre en place un programme musical dans l’unité d'évaluation en psychiatrie légale du Centre de santé mentale Royal Ottawa. 

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Michael Fahey, musicien d’Ottawa (au centre), et Ashleigh McGuinty, récréothérapeute (assise à droite), avec certains membres du groupe de guitare du Royal.
Michael Fahey, musicien d’Ottawa (au centre), et Ashleigh McGuinty, récréothérapeute (assise à droite), avec certains membres du groupe de guitare du Royal.

Les clients du Programme de psychiatrie légale intégrée sont confrontés à des défis uniques. Nombre d’entre eux subissent ce que l’on appelle une « double stigmatisation » en raison de leurs problèmes de santé mentale et de leurs démêlés avec le système de justice pénale. Mme McGuinty, qui travaille dans le domaine de la psychiatrie légale depuis 2018, explique que bon nombre des personnes qu’elle reçoit dans le cadre de son programme ont été privées de loisirs et d’occasions d’apprendre de nouvelles choses lorsqu’elles étaient jeunes.

« Nous avons des personnes qui se sont tournées vers l’alcool, les drogues et le tabagisme dès l’âge de huit ou neuf ans, ou qui ont vécu des expériences traumatisantes dans leur vie, si bien qu’elles n’ont jamais fait de sport ou eu l’occasion de jouer d’un instrument », explique-t-elle. « C’est pourquoi il est d’autant plus important d’essayer différents loisirs. »

Le fait d’essayer un « échantillon » de loisirs consiste à exposer une personne à différentes activités récréatives pour l’aider à découvrir ses intérêts et ses préférences. Dans un milieu de psychiatrie légale, cela aide les clients à trouver des façons positives et constructives d’occuper leur temps, en réduisant l’ennui et les comportements négatifs. Cela favorise également le mieux-être mental, les compétences sociales et le sentiment d’accomplissement, ce qui contribue à leur réadaptation.

Inspirée par les programmes de type « Guitares pour Vets », qui permettent à d’anciens combattants de recevoir des guitares et de suivre des leçons, Mme McGuinty a pris contact avec le Dr Gilles Comeau, directeur de l’Institut de recherche en musique et santé (IRMS) de l’Université d’Ottawa et chercheur principal à l’Institut de recherche en santé mentale (IRSM) de l’Université d’Ottawa au Royal. Ensemble, ils ont eu l’idée de créer un groupe de guitare. Le Dr Comeau a demandé à l’un de ses contacts, le musicien Michael Fahey d’Ottawa, de mener ce groupe.

Personne ne s’attendait à ce que le groupe de guitare – qui devait à l’origine être une simple leçon de guitare hebdomadaire – se transforme en un projet d’écriture de chansons.

La première composition du groupe a été inspirée par un exercice de gratitude. Les notes ont été communiquées à M. Fahey, qui les a utilisées pour composer une chanson intitulée « Gratitude ». Les paroles évoquent la joie de choses simples que nous tenons normalement pour acquises – le ciel bleu, les journées ensoleillées, les étoiles. En lisant entre les lignes, on comprend bien sûr que ces cadeaux deviennent infiniment plus précieux lorsqu’ils sont hors de portée. (Cliquez ci-dessous pour écouter cette chanson.)

Le deuxième morceau du groupe, intitulé « Le blues de la psychiatrie », est né d’une séance d’écriture au cours de laquelle les clients ont partagé en toute franchise leurs réflexions sur leurs expériences au quotidien dans l’unité : 

« J’ai le blues de la psychiatrie, oh bébé,
Je l’ai jusque dans mes souliers,Aide-moi à me débarrasser
de ce blues psyché, oh bébé »… 

« Alors, tu comprends c’que je dis, tu vois ce que je veux dire,
Je serais prêt à crier si je n’avais pas tous ces alliés,
Je ne serais pas ici si je n’avais pas mon infirmière,
Alors, tu en penses quoi de mon univers? »

Selon Mme McGuinty, le fait d’exprimer ses sentiments dans un lieu sûr et encourageant a une valeur thérapeutique considérable.

« Cela les aide à mettre des mots sur le papier, à s’exprimer. Ils créent quelque chose et constatent qu’ils ont accompli quelque chose. »

Mme McGuinty et M. Fahey ont tous deux constaté des transformations remarquables parmi les participants.

« Ils doivent faire confiance aux autres, ce qui contribue à créer des liens. »« Lorsque je suis arrivé et que j’ai commencé à jouer de la guitare, tout le monde était silencieux et baissait la tête, mais au fur et à mesure que nous avancions, ils se sont mis à sourire, à chanter et à vraiment s’amuser », se souvient M. Fahey.

Mme McGuinty a constaté une amélioration de la créativité, de l’esprit de camaraderie et de la confiance en soi des participants. De plus, elle pense que les avantages de l’expression créative par la musique vont bien au-delà des séances de musique elles-mêmes.

« Les jeunes créent des liens et se montrent vulnérables au sein du groupe, ce qui leur permet de renforcer les liens entre eux et de se lier d’amitié à l’extérieur du groupe », explique-t-elle. « Jouer de la musique, chanter et apprendre quelque chose de nouveau met les gens dans une situation de vulnérabilité, et ils le font avec d’autres clients. Ils doivent faire confiance aux autres, ce qui contribue à créer des liens. »

Un membre du groupe, qui n’avait jamais touché à une guitare, s’entraîne maintenant pendant la semaine. Un autre a commencé par ne pas vouloir participer, mais il « chante maintenant avec beaucoup d’enthousiasme », indique Mme McGuinty. « On le voit arriver, l’air si radieux et heureux. » 

La mise en place d’un groupe de guitare fait actuellement l’objet d’une étude de faisabilité. D’ici la fin de l’été, le Dr Comeau espère disposer des informations nécessaires pour en faire un groupe permanent au Royal et lancer une étude de recherche afin de déterminer comment les programmes de musique comme celui-ci contribuent au rétablissement et au mieux-être de cette population particulière.

Bien qu’il faille davantage de données pour comprendre l’incidence de la musique sur la santé mentale, les preuves anecdotiques sont nombreuses. Pour M. Fahey, l’aspect le plus gratifiant du groupe a été de voir les membres sortir de leur coquille et faire de la musique par eux-mêmes. Il est ravi que ce qui n’était au départ qu’un simple groupe pour « apprendre à jouer » se soit transformé en un cours qui enseigne l’écriture de chansons et la notation musicale.

« C’est incroyable de les voir si enthousiastes à l’idée d’apprendre à lire la musique et à jouer de la guitare. »

Le Dr Comeau est reconnaissant envers des bénévoles comme M. Fahey. « Nous ne pourrions pas fonctionner sans nos bénévoles », explique-t-il. Il ajoute qu’il aimerait éventuellement étendre le groupe à d’autres unités du Programme de psychiatrie légale intégrée et peut-être même offrir des guitares aux personnes qui apprennent à jouer pendant leur hospitalisation, afin qu’elles puissent les emporter avec elles à leur sortie de l’hôpital. Cependant, il faudrait davantage de bénévoles et de soutien financier pour y parvenir.

L’inauguration officielle de la clinique de recherche sur la musique et la santé mentale du Royal aura lieu en novembre 2024. Cliquez ici pour vous inscrire à notre bulletin d’information afin d’en savoir plus à l’approche de la date d’inauguration.