L’exercice pour une bonne santé mentale?

Une nouvelle étude vise à trouver le « degré idéal » d’exercice pour les jeunes atteints de dépression

Dre Natalia Jaworska est l’un des lauréats des prix Inspiration de cette année. Elle a étée honoré aux côtés d’autres défenseurs de la cause de la santé mentale lors de la remise des prix Inspiration de 2019, le 1er mars dernier.

Tout le monde sait que l’activité physique régulière est bonne pour le corps, mais de plus en plus de données indiquent que l’exercice physique est également un moyen efficace de favoriser la santé mentale.

Par exemple, des études démontrent que l’exercice physique peut contribuer à réduire la dépression, l’anxiété et le stress, et qu’une activité physique régulière peut constituer une stratégie efficace de prévention et d’intervention en matière de maladie mentale, particulièrement chez les jeunes.

Étant donné les bienfaits démontrables de l’activité physique, la volonté de « faire plus d’exercice » est toujours en tête de liste des objectifs ou résolutions pour la nouvelle année.

Mais quel est le degré d’effort réel qui est nécessaire pour en tirer des bénéfices sur le plan de la santé mentale?

Une promenade quotidienne suffit-elle, ou faut-il plutôt se pousser jusqu’à la limite sur le tapis roulant pour obtenir les meilleurs résultats?

C’est justement ce que la Dre Natalia Jaworska essaie de découvrir.

« Nous savons tous d’une certaine façon que l’exercice aide à lutter contre l’anxiété, c.-à-d. un corps sain pour un esprit sain, mais nous ne savons pas vraiment si l’intensité de l’exercice effectué a une influence sur les résultats », indique la Dre Jaworska, directrice du laboratoire d’électrophysiologie clinique à l’Institut de recherche en santé mentale (IRSM) du Royal.

« Lorsqu’une personne a une maladie du cœur ou une autre maladie physique chronique, on peut lui prescrire un programme d’exercice particulier en fonction de son profil de maladie et en tenant compte de nombreux facteurs individuels. Mais nous n’en sommes pas encore là quand il s’agit de santé mentale. »

Pour mieux comprendre les incidences de l’exercice sur le cerveau et les maladies mentales et déterminer si l’intensité de l’exercice en soi joue un rôle significatif, la Dre Jaworska et son équipe de recherche ont lancé une nouvelle étude clinique qui examinera les répercussions de l’exercice aérobique chez les jeunes en âge de transition (16-24 ans) atteints de dépression.

À l’aide de plusieurs outils d’évaluation, dont la mesure de la fréquence cardiaque et de la capacité cardiorespiratoire, des scintigraphies cérébrales, la mesure de l’activité électrique cérébrale par électroencéphalogramme (EEG) et des questionnaires, cette étude vise à évaluer s’il existe une différence entre l’exercice d’intensité moyenne et élevée sur les plans clinique, cognitif, neuronal et au niveau des états de bien-être.

La Dre Jaworska affirme que la recherche dans ce domaine est particulièrement utile pour éclairer les stratégies d’intervention précoce auprès des jeunes.

« Le cerveau des jeunes est beaucoup plus "plastique" ou malléable que celui des adultes – il continue de se développer et il y a donc davantage de possibilités d’intervention », explique-t-elle. « Si nous pouvons déterminer l’intensité d’exercice physique qui a le plus d’impact sur les jeunes et comprendre ses effets sur leur cerveau, nous pourrons personnaliser plus efficacement les programmes d’exercice et fournir aux jeunes des outils et stratégies fondés sur des données probantes afin de les aider à gérer leur santé mentale à l’âge adulte. ».

La Dre Jaworska et son équipe recruteront 40 participants dans le cadre de leur programme de 12 semaines. Ceux-ci participeront à des séances d’exercice au Royal trois fois par semaine.

« Nous savons tous d’une certaine façon que l’exercice aide à lutter contre l’anxiété, c.-à-d. un corps sain pour un esprit sain, mais nous ne savons pas vraiment si l’intensité de l’exercice effectué a une influence sur les résultats. »  — Dre Jaworska, directrice du laboratoire d’électrophysiologie clinique du Royal

Les participants pourront choisir le type d’exercice aérobique qu’ils préfèrent (p. ex. : vélo, tapis roulant, appareil elliptique), mais l’intensité de l’exercice sera déterminée de façon aléatoire (p. ex. : intensité moyenne ou élevée).

Avant le début du programme, les participants subiront une série d’examens cliniques, cognitifs et neurologiques, ainsi qu’un test sur tapis roulant (épreuve d’effort) pour évaluer leur débit cardiaque.

À la fin de l’étude, ces examens seront répétés afin d’évaluer les changements qui se sont réellement produits dans le cerveau des participants aux différents niveaux d’intensité d’exercice. L’équipe de la Dre Jaworska cherchera notamment à surveiller les changements cognitifs et neuronaux, ainsi que les changements liés aux symptômes de dépression et d’anxiété ou aux idées sur l’estime de soi.

La Dre Jaworska croit que le fait de comprendre si l’exercice d’intensité modérée a essentiellement les mêmes effets sur le cerveau que l’exercice d’intensité plus élevée donnerait de précieuses informations dont les cliniciens pourraient se servir auprès de leurs patients.

« Il serait extrêmement bénéfique de savoir s’il peut y avoir d’importants changements au niveau de la santé mentale, même si nous ne pouvons modifier qu’un tout petit peu le débit cardiaque d’une personne », dit-elle.

« Cela pourrait rendre l’idée de faire de l’exercice moins intimidante pour certains jeunes atteints de dépression. »

De plus, la Dre Jaworska estime qu’une solution de rechange aux médicaments qui serait en plus fondée sur des données probantes et accessible pourrait être particulièrement attrayante pour les jeunes, car il existe actuellement peu d’antidépresseurs destinés aux jeunes – et ceux qui sont prescrits peuvent avoir des effets secondaires indésirables.

Elle ajoute que le fait de comprendre les effets des niveaux d’intensité d’exercice sur la santé mentale pourrait également ouvrir la porte à d’autres questions de recherche ou découvertes importantes, par exemple la question de savoir s’il pourrait y avoir des effets différents selon le sexe de la personne (c.-à-d., l’exercice d’intensité modérée serait-il plus bénéfique pour les femmes atteintes de dépression, et l’exercice d’intensité élevée serait-il plus bénéfique pour les hommes atteints de dépression, ou vice versa?).

De plus, bien que les scientifiques ne soient pas encore tout à fait certains si les interventions en matière d’exercice physique à elles seules sont suffisantes pour aider certaines personnes à avoir ou garder une bonne santé mentale, la Dre Jaworska affirme qu’une activité physique régulière peut être une composante importante de la « boîte à outils » de santé mentale d’une personne.

« Ma stratégie consiste toujours à penser que plus on a de ressources et plus on peut adopter une approche multidimensionnelle pour faire face à la maladie mentale, mieux c’est. »

Si vous êtes âgé entre 16 et 24 ans et que vous souffrez actuellement de dépression, vous pourriez être admissible à participer à cette étude sur l’exercice aérobique. Cliquez ici pour obtenir plus d’informations.

 

De la recherche à la récréothérapie

Steve Clarke est un récréologue du Royal qui dirige régulièrement des programmes d’intervention en matière d’exercice physique pour les jeunes atteints de troubles de santé mentale.

Il travaillera avec la Dre Jaworska et son équipe dans le cadre de cette étude afin d’aider les jeunes à découvrir et utiliser en toute sécurité l’équipement d’exercice dont ils se serviront pendant les 12 semaines du programme, ainsi que leur donner des enseignements supplémentaires sur la santé au besoin.

Il affirme que les résultats de cette étude pourraient servir d’outils d’enseignement importants et qu’ils seront extrêmement utiles pour renseigner les programmes qu’il dirige auprès des jeunes. « Ce que nous faisons ici au Royal avec les programmes d’intervention en matière d’exercice, c’est de la promotion de la santé – et s’il existe des pratiques exemplaires que l’on peut citer ou montrer aux gens, cela a beaucoup plus de poids, surtout auprès des jeunes », ajoute M. Clarke.

« Les jeunes sont plus enclins à croire une source s’ils peuvent la trouver sur leur téléphone et la voir, par opposition à ce que leur dit un adulte d’âge moyen. Les résultats de cette étude pourraient être très utiles en termes de prescription d’exercice, surtout si je suis en mesure de rapporter les résultats aux jeunes avec lesquels je travaille et de leur dire : "Voilà ce qui a été fait ici". »

M. Clarke espère que l’étude de la Dre Jaworska aura des effets thérapeutiques à court terme sur la santé mentale des jeunes, mais qu’elle leur donnera aussi les aptitudes et la confiance nécessaires pour continuer à faire de l’exercice.

« L’un des problèmes qui se pose souvent chez les jeunes est l’observance du traitement, donc si nous pouvons leur fournir un exutoire ou l’occasion de suivre un traitement pour atténuer leurs symptômes sans médicaments, cela peut avoir une valeur inestimable », explique-t-il.

« J’espère que cette étude permettra aux jeunes de voir la différence que peut faire l’exercice et de réaliser que c’est quelque chose qu’ils peuvent faire seuls à l’avenir. »