Paula Osborne lève un citron frais au-dessus de sa tête et pose une question au groupe.
« Qui sait si on doit laver ce citron avant de le presser? »
Mme Osborne, une technicienne en ergothérapie du Royal, explique ensuite qu’il peut y avoir des bactéries nocives sur l’écorce du citron et qu’elles pourraient être transférées sur le couteau utilisé pour le couper. « C’est toujours une bonne idée de laver tous les fruits que nous coupons, même les melons », précise-t-elle pendant que l’un des clients rince le citron dans l’évier. Il est maintenant prêt à être pressé et ajouté à un plat qui sera préparé et partagé par toutes les personnes présentes.
Mme Osborne donne une séance d’enseignement à des clients de son groupe d’éducation pour adultes dans le cadre d’un cours sur la salubrité des aliments dans la cuisine d’ergothérapie.
Ce n’est pas un jour comme les autres. Des employés du Royal sont sur place pour tourner une vidéo afin de démontrer la préparation de l’une des recettes les plus populaires de la collection de Mme Osborne : un délicieux plat de curry qui a reçu des critiques élogieuses tant du personnel que des clients. (Cliquez ici pour obtenir la recette.)
Anie Charlebois, une ergothérapeute qui passe beaucoup de temps avec les clients dans la cuisine, a été désignée pour expliquer la recette pendant le tournage. Il y a beaucoup de blagues et de bavardages entre les prises. Cette séance ressemble en tous points à un cours d’économie ménagère – avec la délicieuse odeur des oignons qui sont en train de frire dans la poêle.
D’évidence, passer du temps en cuisine avec un ergothérapeute est une façon d’initier les clients aux notions de salubrité des aliments, de sécurité dans la cuisine et d’alimentation saine, tout en leur apprenant à faire un budget et en leur transmettant des compétences culinaires essentielles.
« Cette recette est assez simple à préparer, peu coûteuse et conforme au Guide alimentaire canadien », explique Amanda Wannamaker, qui est ergothérapeute au Programme de rétablissement du Royal.
De plus, cette recette est faite à partir d’aliments de base qui sont en général facilement disponibles dans une banque alimentaire, ce qui est révélateur de la réalité à laquelle font face de nombreuses personnes atteintes de maladie mentale.
« Cuisiner un repas qui est abordable pour nos clients, qui rend les gens heureux et qui leur permet de rester en bonne santé, c’est l’incarnation même de ce que nous faisons. » (« Et c’est un plat végétalien », chuchote-t-elle d’un ton dramatique. « Les clients veulent rarement faire des recettes végétaliennes à la maison. »)
En préparant un curry dans la cuisine d’ergothérapie, les clients acquièrent des compétences essentielles et les ergothérapeutes ont l’occasion d’évaluer leurs capacités cognitives et fonctionnelles, ainsi que d’observer comment ils interagissent dans un cadre social et comment ils travaillent en équipe. Cela permet aussi aux clients de socialiser et de partager un repas dans une ambiance conviviale qui rappelle la maison.
« L’objectif est vraiment de travailler ensemble pour qu’ils reprennent leur vie en main – et c’est ce que nous faisons – nous nous engageons auprès d’eux dans leur quotidien. C’est ce qui est vraiment unique dans ce que nous faisons, et aussi super amusant. »
On dit que la cuisine est le cœur d’un foyer, et il ne serait pas exagéré de dire que cette cuisine – qui a été entièrement rénovée en avril 2019 – est le cœur du programme d’ergothérapie. Cependant, tout comme l’oignon que l’un des clients épluche et hache avec soin pour préparer le curry, l’ergothérapie comporte de nombreuses couches.
Les ergothérapeutes se préoccupent essentiellement des activités de la vie quotidienne, et l’ergothérapie consiste à aider les gens à surmonter les défis qu’ils présentent en matière d’autosoins, d’emploi, d’école ou de loisirs.
« Un ergothérapeute peut vous aider dans tout ce que vous faites au quotidien, du moment où vous ouvrez les yeux jusqu’au coucher », indique Mme Wannamaker.
Les ergothérapeutes travaillent dans les écoles, les milieux professionnels et les hôpitaux.
« La plupart des gens considèrent que les ergothérapeutes sont les gens qui prescrivent un fauteuil roulant et qui enseignent à quelqu’un comment utiliser une cuillère modifiée pour manger, mais tout cela revient à permettre à quelqu’un de faire des choses importantes au quotidien », dit Mme Wannamaker, qui souligne que les ergothérapeutes ont une approche unique par rapport aux autres professionnels en santé mentale.
« Ce qui est vraiment utile en ergothérapie, c’est que nous aidons les gens à faire des choses concrètes », déclare Mme Wannamaker, qui a l’habitude de jouer un rôle actif au Royal. Elle a d’ailleurs raté le tournage de la démonstration culinaire parce qu’elle était occupée avec un groupe de clients qui aidaient la Banque alimentaire d’Ottawa à récolter des tomates et des courges dans sa ferme avant le premier gel.
« Avec l’ergothérapie, l’apprentissage se fait souvent par l’action. On peut être dans un bus avec quelqu’un ou dans une cuisine. Nous leur permettons d’acquérir toute une gamme d’aptitudes à la vie quotidienne en faisant une activité. »
« L’objectif est vraiment de travailler ensemble pour qu’ils reprennent leur vie en main – et c’est ce que nous faisons – nous nous engageons auprès d’eux dans leur quotidien. C’est ce qui est vraiment unique dans ce que nous faisons, et aussi super amusant. »
Les ergothérapeutes font partie intégrante de l’équipe de soins du client. Les informations glanées lors d’un trajet en autobus ou d’une séance de cuisine offrent de précieux renseignements qui permettent d’avoir un tableau plus holistique des besoins de santé du client.
« Nous faisons beaucoup de travail interdisciplinaire, et nous le faisons très bien », dit Mme Wannamaker, qui travaille au Royal depuis 2010. « Et ce n’est pas quelque chose qui arrive par hasard. »
L’ergothérapie est autant une question d’évaluation et d’observation que d’apprentissage de l’autonomie fonctionnelle par les clients, car si ces derniers n’ont pas les compétences nécessaires pour fonctionner au quotidien, cela les empêchera de réintégrer la collectivité et d’y vivre de façon autonome. De plus, il est difficile de savoir comment les clients vont s’en sortir sans une évaluation approfondie de leurs capacités et de leurs besoins.
Mme Wannamaker donne l’exemple d’une ancienne cliente qui a reçu son congé d’un hôpital local. On lui a donné des billets d’autobus, mais elle ne savait pas où aller ni quoi faire une fois sur place.
« Les personnes qui ont besoin de davantage de soutien ont besoin de plus de temps pour se rétablir et de services plus intensifs, sinon elles n’arrivent pas à réintégrer la communauté », explique Mme Wannamaker.
Lorsqu’elle décrit sa profession, elle la qualifie de « difficile », « désordonnée », « enrichissante » et « compliquée », mais elle ne l’échangerait pour rien au monde.
« On peut voir le changement dans la vie des gens, on peut interagir avec les gens et on peut les accompagner », ajoute-t-elle. « Je suis présente avec eux et on fait des choses concrètes, comme préparer un repas. Et c’est ce que j’aime. »