Le Dr Zachary Kaminsky est le nouveau titulaire de la Chaire de recherche DIFD et Mach-Gaensslen sur la prévention du suicide à l’Institut de recherche en santé mentale du Royal.
En 2014, le Dr Zachary Kaminsky a publié une étude qui établit un lien entre les changements touchant un gène particulier, le SKA2, et un risque élevé de suicide. Fait intéressant, les biomarqueurs dans le sang montrent ces changements.
Après la publication de cette étude, le Dr Kaminsky a reçu des centaines de courriels de parents dont les enfants s’étaient suicidés. Ces parents avaient des échantillons du sang de leur enfant, et ils voulaient que le Dr Kaminsky effectue des analyses pour trouver le biomarqueur du suicide. Toutefois, le Dr Kaminsky ne pouvait pas procéder à ces analyses pour des raisons légales.
« Ces parents voulaient savoir si c’était la biologie de leur enfant qui les avaient rendus vulnérables », explique le Dr Kaminsky. « Ils voulaient une raison. Malheureusement, je n’ai pas pu leur donner ce qu’ils attendaient, mais peut-être qu’un jour ce sera possible. »
Il reste encore du travail à faire pour créer un test cliniquement utile, mais le Dr Kaminsky est déterminé à voir le jour où quelque chose d’aussi simple qu’un test sanguin sauvera des vies qui seraient autrement perdues par le suicide. Il dit que cela pourrait devenir une réalité d’ici quelques années, avec suffisamment de travail et de financement.
« Je crois que les biomarqueurs pourront faire beaucoup de bien dans un avenir très proche », indique-t-il.
« C’est mon but dans la vie – voir certains des biomarqueurs identifiés dans mon laboratoire être utilisés pour sauver des gens. »
On espère qu’en identifiant les personnes à risque, celles-ci pourront obtenir rapidement l’aide dont elles ont besoin, peut-être avant même de se rendre compte qu’elles sont suicidaires.
Le suicide : un sujet de recherche
Imaginez que chaque année, dix Boeing 747 remplis de Canadiens tombent du ciel, ne laissant aucun survivant.
Cette perte humaine est égale au nombre de suicides qui se produisent chaque année au Canada. Elle laisse peu de vivants indemnes. Et même si nous avons mis au point de nouveaux et meilleurs traitements pour de nombreuses maladies mentales, le taux de suicide demeure inchangé. Nous avons donc besoin de faire des recherches pour en savoir plus.
C’est pourquoi l’initiative DIFD et la Fondation Mach-Gaensslen ont créé en 2014 la Chaire de recherche DIFD et Mach-Gaensslen sur la prévention du suicide à l’Institut de recherche en santé mentale du Royal.
« Le fait de voir la Chaire de recherche sur la prévention du suicide se concrétiser au Royal nous apporte un grand espoir, celui que d’autres familles puissent éviter l’horreur de devoir perdre quelqu’un à cause du suicide », ont déclaré Luke et Stephanie Richardson au nom de l’initiative DIFD, qui a contribué un million de dollars en fonds recueillis auprès des collectivités pour créer cette chaire de recherche.
La Fondation Mach-Gaensslen, qui appuie la recherche en cardiologie, en oncologie et en psychiatrie au Canada, a elle aussi versé un million de dollars.
Le travail du nouveau titulaire de la Chaire de recherche consiste à trouver comment réduire le taux de suicide au Canada – un défi que seul une personne très particulière peut relever.
« Les gens n’ont pas l’habitude de connaître l’avenir. »
Le père du Dr Kaminsky était directeur clinique du Service de psychiatrie à l’Hôpital Johns Hopkins.
« J’ai grandi en entendant des histoires sur les gens que mon père aidait », raconte le Dr Kaminsky.
« J’avais toujours en tête le fait qu’il y avait beaucoup de gens dans le besoin. »
Il y a plusieurs années, le Dr Kaminsky a envoyé une demande d’admission à la faculté de médecine.
Puis, il s’est rendu compte que la recherche lui convenait mieux et a modifié sa trajectoire de carrière, mais sa volonté d’aider les gens n’a jamais disparu. Il considère que la recherche est un moyen d’aider les gens à grande échelle.
Le Dr Kaminsky est un biologiste moléculaire qui étudie l’épigénétique. Presque toutes les cellules humaines ont le même ADN, mais une cellule du cœur n’est pas identique à une cellule du cerveau ou de la peau. Génétiquement, elles sont pareilles, mais sur le plan épigénétique, elles ne le sont pas. Les gènes sont activés et désactivés, manipulés par des facteurs épigénétiques. Le Dr Kaminsky étudie ces facteurs au niveau moléculaire.
Cependant, l’épigénétique n’a pas toujours été le domaine de prédilection du Dr Kaminsky.
« J’ai rencontré l’amour de ma vie, qui était Canadienne, et je devais me rendre à Toronto », se souvient-il.
« Il me fallait un visa, et j’aurais probablement accepté n’importe quel poste en laboratoire. »
Cette décision a été bienfaitrice à plusieurs égards : la femme dont le Dr Kaminsky est tombé amoureux est maintenant son épouse, et il a obtenu un emploi dans le laboratoire d’épigénétique du Dr Art Petronis à l’Université de Toronto. C’est là qu’il a compris que l’épigénétique était porteuse d’espoir pour la recherche en santé mentale.
« Les maladies psychiatriques sont complexes, et elles ont des caractéristiques que les théories génétiques et environnementales habituelles ne peuvent pas expliquer », affirme le Dr Kaminsky. « Mais tout cela s’explique, au moins en termes généraux, par la théorie selon laquelle le dérèglement épigénétique est responsable de la maladie. »
En 2010, le Dr Kaminsky a terminé ses études supérieures et postdoctorales à Toronto et est retourné à Baltimore pour fonder un nouveau laboratoire d’épigénétique à l’Hôpital Johns Hopkins. Son travail a porté fruit. En 2014, ses recherches ont permis d’identifier un biomarqueur indiquant un risque élevé de dépression postpartum et un autre biomarqueur indiquant un risque élevé de suicide.
« Les gens n’ont pas l’habitude de connaître l’avenir. Ils ont plutôt l’habitude d’attendre que les symptômes se manifestent, puis d’agir. »
Un test sanguin qui dépiste le risque de suicide
Le nouveau rôle du Dr Kaminsky en tant que titulaire de la Chaire de recherche sur la prévention du suicide au Royal lui donne l’occasion de se concentrer sur ses découvertes liées au suicide.
Par ailleurs, ses recherches aident également à éliminer la stigmatisation associée au suicide.
« L’épigénétique et l’ADN ont le pouvoir de concrétiser la maladie mentale comme jamais auparavant, au niveau biologique. Beaucoup de gens le pensent, et je suis là pour renforcer cette croyance. »
La découverte du gène SKA2 est prometteuse, mais de nombreuses questions demeurent. De plus, pour qu’un test sanguin permette d’identifier avec précision un risque élevé de suicide, il doit être en mesure de dépister une gamme de biomarqueurs, pas juste un seul. Mais le Dr Kaminsky pense aussi qu’il existe d’autres marqueurs, d’autres facteurs épigénétiques, à découvrir. Il a prévu de mener une vaste recherche pour les identifier, et l’enjeu est de taille.
« La plupart des personnes qui tentent de se suicider ont consulté un médecin quelques mois avant leur tentative. Nous passons à côté du problème. »
Ce test de dépistage faciliterait grandement le travail du médecin, surtout dans les salles d’urgence. Si les professionnels de la santé pouvaient savoir quelles personnes ont besoin d’aide, ils pourraient leur fournir rapidement un soutien essentiel et sauver des vies.
« Si mes recherches sauvent des vies et aident les gens, alors j’aurais rempli mon mandat. Je ne serai satisfait que si j’y parviens. »