Le don de l’art

Sarah Moffat se tient au milieu d’une pièce où des tables recouvertes de plastique sont disposées en forme de « U » autour d’elle, tenant d’une main un panneau de bois peint de couleur vive et un bloc de sablage de l’autre. Elle appuie le panneau contre sa jambe et montre à son petit public captivé comment poncer les bords de la planche avant de passer à l'étape suivante du processus.

Mme Moffat est un artiste multimédia professionnelle. Son tablier – qui est recouvert d’un arc-en-ciel d’éclaboussures de peinture – témoigne de ses innombrables projets créatifs. D’habitude, elle travaille et enseigne dans son studio à Carleton Place, mais aujourd’hui, elle est venue aider les membres du groupe d’art du Programme de traitement et rétablissement de la schizophrénie du Royal à créer des œuvres réellement originales.

Le groupe d’art est ouvert aux clients du Programme de traitement de jour de la schizophrénie et du Programme ambulatoire de traitement de la schizophrénie. C’est l’un des nombreux groupes offerts aux clients qui changent d’une année à l'autre, mais qui comprennent généralement des sorties, des cours de cuisine, des programmes professionnels (« Ready Set Work ») et des groupes d’entraide (« Creative Solutions »). 

Aujourd'hui, les six membres du groupe d’art – ainsi que quelques membres du personnel – embellissent les panneaux qu’ils ont peints dans un style abstrait fluide au cours de la première de ces trois séances hebdomadaires avec l’artiste.

« Lorsqu’on est pleinement conscient de ce que l’on fait, il n’y a aucune chance que ces pensées négatives se manifestent ou que l’on s’inquiète de ce que les autres pensent de nous à ce moment-là », dit Lisa Murata. « Et c’est bon pour tout le monde. »

Mme Moffat utilise un « panneau d’entraînement » récemment poncé pour montrer comment appliquer des feuilles métalliques qui ajouteront un éclat de couleur supplémentaire. L’ambiance dans la pièce est très créative et détendue. Les cours de l’artiste se déroulent tout en douceur, et elle lance quelques bribes de sagesse tout au long de l'après-midi, comme des confettis.

« C’est ça, l’art! », s’exclame-t-elle en appliquant une fine ligne de colle sur le panneau pour y coller les feuilles métalliques. « Il faut trouver ce que vous aimez faire et le faire. Ou pas. »

Tout est plutôt zen. Pour Mme Moffat, une fois que l’on s’est libéré du stress de penser qu’il faut créer un chef-d’œuvre et que l’on a trouvé son rythme, le processus devient un exercice naturel de pleine conscience. Que ce soit en peignant avec de grands coups de pinceau ou en attendant que la peinture sèche avant de passer à l’étape suivante, le simple fait de créer quelque chose permet de rentrer à l’intérieur de soi.

« On se trouve dans un lieu très paisible, où l’esprit ne pense à rien d’autre qu’à la joie de voir les couleurs s’harmoniser ou les textures se créer », explique-t-elle. « Il faut absolument être présent, mais on peut aussi se ressourcer à l’intérieur de soi, un lieu où on ne passe assez de temps dans la vie de tous les jours. Je ne sais pas comment le décrire. C’est comme la cinquième dimension ou quelque chose du genre », ajoute-t-elle en riant.

Lisa Murata, une infirmière du Programme de traitement de jour de la schizophrénie qui co-anime le groupe avec Jaime Jones, une ergothérapeute, estime qu’il y a beaucoup d’avantages à concentrer toute notre attention sur une seule activité de cette manière. 

« Lorsqu’on est pleinement conscient de ce que l’on fait, il n’y a aucune chance que ces pensées négatives se manifestent ou que l’on s’inquiète de ce que les autres pensent de nous à ce moment-là », dit Lisa Murata. « Et c’est bon pour tout le monde. »

La pleine conscience n’est que l’un des éléments thérapeutiques du groupe d’art qui favorisent le parcours de rétablissement des clients.

« Le groupe d’art consiste à allumer cette étincelle chez les participants – la passion, la créativité – qui va les inspirer », explique Mme Murata. Une partie de son travail consiste à aider les clients à trouver cette étincelle et à attiser les flammes. Elle ajoute que le sentiment d’accomplissement et de fierté que procure un travail bien fait, ce sentiment de « Je peux y arriver », se répercute sur d’autres aspects de la vie des clients. Le plus important, c’est qu’ils parviennent à défier leur propre voix critique. C’est ce qu’il y a de plus précieux.

C’est tout en douceur que Mme Moffat encourage ses clients à se mettre au défi et à sortir de leur zone de confort, parce qu’elle sait que l’effort en vaut la peine lorsqu’on crée quelque chose de beau. Mme Murata constate que ces sentiments positifs se transmettent aussi à l’entourage des clients.

« Les participants eux-mêmes sont très compatissants les uns envers les autres et se soutiennent mutuellement. Et ils se disent les uns aux autres qu’ils aiment ce qu’ils créent », dit-elle.

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Photo de Donna Power et Lisa Murata tenant des peintures
Lisa Murata (à droite), une infirmière du Programme de traitement de jour de la schizophrénie qui co-anime un groupe d’art pour les clients du Royal avec les ergothérapeutes Donna Power (à gauche) et Jaime Jones

Chaque membre du groupe va créer deux œuvres d’art originales lors des trois séances avec Mme Moffat, l’une à conserver et l’autre à vendre dans le cadre d’une vente des Fêtes qui aura lieu au Royal à la mi-décembre. (Le groupe a également planté des succulents dans des pots faits et peints à la main pour la vente.) Les fonds recueillis dans le cadre de la vente permettront de financer les sorties des clients.

Ces sorties de groupe sont choisies et prévues entièrement par les clients, et ce sont d’excellentes occasions d’acquérir et de mettre en pratique des compétences ainsi que d’apaiser leurs craintes dans un environnement sûr. Le groupe a notamment fait du bateau à pagaies, de la randonnée et du bowling.

« Plusieurs des clients ne font pas beaucoup d’activités organisées », explique Mme Murata. « Ces activités structurées les aident à se sentir mieux et à se rétablir. »

Les sorties de groupe permettent d’acquérir des compétences pratiques, comme établir un budget, gérer son temps et naviguer dans les transports en commun. Bien sûr, il y a aussi une composante sociale.

« Nous avons décidé de faire une sortie pour prendre le train léger... Heureusement, nous ne sommes restés coincés qu’une dizaine de minutes! », raconte Mme Murata en riant. « C’était très sympathique d’y aller en groupe. Il y a des gens qui ont la phobie des escaliers mécaniques, du train ou de la foule, mais ils ont le soutien des autres pour les aider. »

La Fondation de santé mentale du Royal a financé les séances animées par Sarah Moffat, l’Association des bénévoles a fourni de l’argent pour payer les fournitures et l’artiste a donné le reste elle-même. Mme Murata espère que davantage de clients auront l’occasion d’apprendre à découvrir leur côté créatif.

Une cliente décrit les séances avec Mme Moffat comme « très informatives, créatives, amusantes et excitantes ».

« J’ai vraiment senti que ça faisait ressortir mon côté joyeux », confie un autre membre du groupe. « J’ai pu m’imprégner du côté ludique, m’amuser sans m’inquiéter de ce que j’étais en train de créer et m’absorber à la tâche. Ce processus était très important pour moi. »

Rendu possible grâce à de généreux dons à la Fondation Royal Ottawa

Rendu possible grâce à de généreux dons à la Fondation Royal Ottawa